L'expérience d'Eckhart Tolle

Transformation de soi, recherche d'états de conscience modifiés, éveil spirituel, ...
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Oghan
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#1

08 juin 2017, 11:34

Ce qui suit est le début d'une interview dans laquelle Eckhart Tolle, un instructeur spirituel, parle de sa vie et de la manière dont il a atteint l'illumination. La vidéo Youtube dont elle est extraite a depuis été supprimée.

Eckhart Tolle raconte son enfance en Allemagne jusqu'à ce qu'à l'âge de 13 ans il quitte son pays natal pour aller rejoindre son père en Espagne, où il avait émigré après son divorce. Comme Eckhart refusait d'aller à l'école, ce que son père ne contesta pas, il suivit des cours de langues chaque après-midi afin d'apprendre l'espagnol et l'anglais, passant le reste de ses journées à lire, des ouvrages d'astronomie ente autres. Puis à 19 ans il décida d'aller s'installer en Angleterre.

Question : Avez-vous entamé un cursus scolaire une fois installé là-bas ?

Eckhart Tolle : Miraculeusement, quelqu’un me proposa un travail, alors que j’étais dépourvu de toute qualification : enseigner l’allemand et l’espagnol dans une école de langues. Cette activité m’occupa durant plusieurs années. Puis une sorte de quête débuta, en même temps que la dépression me gagnait. Je vivais dans un état d’anxiété croissante, si bien que les questions sur le sens de la vie commencèrent à envahir mon esprit. Je cherchais des réponses intellectuelles à mon questionnement, notamment au travers de la philosophie. Je me plongeai alors dans la lecture d’ouvrages traitant de ce sujet, jusqu’au jour où l’idée me vint que les réponses devaient plus vraisemblablement se trouver à l’université de Londres, où je m’inscrivis aux cours du soir. Aussi incroyable que ça paraisse, plus j’absorbais de connaissances et plus mon mal d’être s’intensifiait. Je finis par comprendre que les enseignants ne possédaient pas les réponses à mon questionnement. Il arriva également que l’un des professeurs, un homme doté d’un grand savoir et que j’appréciais énormément, vint à se suicider. Ce fut pour moi un énorme choc. Je réalisai que les hommes en quête de réponses n’en avaient trouvé aucune, ce qui eut pour effet d’intensifier ma dépression. J’avais cependant travaillé si dur, poussé par l’angoisse qui m’étreignait, que je finis par décrocher un diplôme de philosophie. Mais je n’exerçai aucune activité au cours de l’année qui suivit, durant laquelle je ne fis que m’enfoncer toujours davantage dans la souffrance morale. J’avais alors 29 ans.

Il n’était pas rare que je me réveille au milieu de la nuit en proie à une intense souffrance. Cette nuit-là, la pensée me vint que je ne pouvais pas vivre plus longtemps avec moi-même. C’était une pensée obsédante, qui revenait sans cesse ; jusqu’au moment où toute son absurdité m’apparut : ma personne était-elle constituée de deux moi, l’un ayant décidé qu’il ne pouvait plus vivre avec l’autre ? Suis-je un ou suis-je deux ? Longtemps après, cette énigme m’a rappelé ce que le bouddhisme zen nomme un kōan, une question à laquelle il n’existe aucune réponse et dont l’objectif est de stopper le mental, comme par exemple : « Quel son produit le fait d’applaudir d’une main ? ». La question qui s’élevait dans mon esprit ne possédait pas non plus de réponse : « Qui suis-je, qui est cet être avec lequel je ne peux plus vivre ? ». Pourtant, un changement se produisit en moi : ma conscience cessa soudainement de s’identifier à ce que j’avais toujours considéré comme étant moi, et qui était en fait produit par mon mental, c’est-à-dire la pensée, la mémoire. C’était cette perception que j’avais de mon identité qui me faisait souffrir. Je me sentis disparaître dans une sorte de vortex d’énergie, ce à quoi je tentai de m’opposer. Mais une voix se fit entendre en moi, disant : « Ne résiste pas ! ». Alors je cessai de résister à cette impression de disparaître dans une sorte de néant. Je ne me souviens pas de ce qui s’est produit ensuite cette nuit-là. Tout ce que je sais est que le lendemain matin, en ouvrant les yeux, je regardai autour de moi et vis toute chose comme pour la première fois ; la lumière traversant les fenêtres, les objets familiers posés sur la table, tout paraissait frais, nouveau, vivant. Je me levai et sortis me promener. Je regardais autour de moi et tout semblait empreint de paix, même le trafic routier. Chaque chose était maintenant plus vivante que jamais. Je compris que quelque chose d’étrange m’était arrivé, mais je ne savais pas de quoi il s’agissait. Les choses continuèrent ainsi ; tout évènement, toute perception possédait cet arrière-plan baigné de paix, qui ne m’a depuis jamais quitté mais dont la capacité à le mettre en mots nécessita beaucoup de temps.

Avide de savoir ce qui m’était arrivé, je me mis à étudier pour la première fois divers enseignements spirituels, tels que le bouddhisme et le christianisme, ainsi que des enseignements plus récents. Je compris rapidement que la vérité se cache derrière l’interprétation, et quelquefois la mauvaise interprétation, de textes souvent vieux de plusieurs siècles. Je pouvais voir la vérité dans les enseignements originaux du bouddhisme et du christianisme, ce qui apporta un éclairage à ce qui m’était arrivé. Par exemple, dans le Nouveau Testament Jésus parle de la paix qui dépasse toute compréhension, et c’était exactement ce que je ressentais, une paix dont je ne pouvais expliquer l’origine. C’était ce qu’il avait dû ressentir lui aussi, une paix dont on ne peut lier la cause à quoi que ce soit appartenant au monde extérieur. J’ai ensuite rendu visite à des professeurs de bouddhisme zen, dont j’ai immédiatement reconnu la vérité des enseignements. Ils m’aidèrent à cerner ce qui m’était arrivé ; par exemple, l’un des moines bouddhistes me parla du processus de la pensée, ajoutant que « le zen signifie simplement la fin de la pensée automatique ». Or, je n’avais jusqu’alors jamais réalisé que mon activité mentale s’était considérablement réduite depuis cette fameuse nuit, de peut-être 80 pourcent. Je ne pensais donc presque plus, et c’était la raison pour laquelle je ressentais une telle paix. Je réalisai que le bruit mental incessant, ainsi que je l’appelle aujourd’hui, cet état compulsif et largement inutile dans lequel les gens sont impliqués, était chez moi parvenu à sa fin. Bien sûr, je pouvais continuer de penser lorsque c’était nécessaire, mais je vivais de longues périodes dépourvues de la moindre pensée, durant lesquelles il y avait cette merveilleuse expérience de paix intérieure. Je compris que cette paix avait toujours été là, même au plus fort de ma souffrance, mais qu’elle était recouverte par l’hyperactivité de mon mental.

Graduellement, ce que j’ai compris s’est transformé en enseignement spirituel, lequel s’efforce aujourd'hui de faire comprendre aux gens que ce qu’ils cherchent à l’extérieur d’eux-mêmes est en réalité déjà à l’intérieur. Le sentiment d’être vivant, la paix, le sens d’une profondeur et d’un accomplissement intérieurs, sont l’essence de chaque être humain. Il ne s’agit donc pas de trouver, d’acquérir quelque chose de nouveau, comme tout chercheur spirituel croit que c’est ce en quoi consiste sa quête, quelque chose qui le remplirait à la manière d’un savoir, des expériences qu’il ajouterait à ce qu’il est, tout en se projetant dans un futur qui le verrait parvenir à ses fins. C’est une erreur, parce que si vous cherchez ce que vous êtes au moyen du temps vous passez à côté de la connaissance de votre être, que vous ne pouvez réaliser que dans l’immédiateté de l’instant présent.

Ainsi, il m’a fallu plusieurs années pour comprendre ce qui m’était arrivé cette nuit-là. Durant ce processus de compréhension des gens vinrent occasionnellement me poser des questions, si bien que petit à petit je parvins à m’expliquer. Je reconnaissais dans les autres la souffrance que j’avais moi-même éprouvée, sans doute à un degré plus élevé. J’étais probablement plus profondément engagé dans le bruit mental et les tourments émotionnels que ne l’est ordinairement une personne, mais le même mécanisme est à l’œuvre en chacun de nous.

L’enseignement consiste aujourd’hui à mettre l’accent sur votre dimension intérieure, bien plus profonde que ce que vous identifiez comme étant vous-même, plus profonde que le moi auquel les gens sont habitués, l’histoire personnelle à laquelle ils associent ce qu’ils sont. La connaissance de cette dimension vient lorsque vous créez de l’espace en vous pour le moment présent, car il ne peut être le résultat que d’un alignement intérieur sur ce moment, qui est la vie elle-même. Le flux des pensées est uniquement concerné par le passé et le futur ; ainsi, chez la plupart des gens identifiés à leur activité mentale, chaque pensée est teintée de la sensation du moi, chacune capture l’attention, ce qui est la signification du mot identification. Tout au long de la journée, une pensée après l’autre, vous êtes prisonniers de ce flux incessant. A travers lui nait un sens de l’identité né de la mémoire du passé, c’est-à-dire des expériences vécues et de toutes les choses auxquelles la conscience s’est identifiée : la position sociale, un savoir-faire, ce que les autres m’ont fait et ce que j’ai fait aux autres, etc. Tout ceci s’accumule dans la mémoire et finit par constituer ce que l’on est. C’est précisément cet état mental que, la nuit en question, j’ai reconnu comme n’étant pas moi.

Il y a donc l’identification à l’activité mentale, et la possibilité de rompre avec elle en accédant au moment présent. Pour la plupart des gens ce moment particulier n’existe tout simplement pas, car ce qui les intéresse est toujours le moment suivant. Ils vivent axés sur le futur, et inconsciemment ils considèrent le prochain moment, ce point du futur auquel ils doivent parvenir, comme bien plus important que l’instant présent, ne réalisant pas que ce futur qu’ils appellent de leurs vœux, supposé advenir ce soir, demain, peu importe, n’a aucune existence, qu’il n’est qu’une forme-pensée. Lorsque vous tendez constamment vers le prochain moment vous êtes coincé dans une réalité conceptuelle constituée de formes-pensées, qui possède à vos yeux une signification plus grande que la réalité immédiate de la vie, laquelle a toujours lieu maintenant. Car votre vie est en réalité entièrement contenue dans le moment présent, hors du temps. Si vous y réfléchissez consciencieusement, vous parviendrez à la conclusion que votre vie ne se déroule jamais en dehors du moment présent. Lorsque vous vous souvenez du passé, vous ne pouvez vous en souvenir que maintenant, en cet instant ; et lorsque vous pensez au futur, vous ne pouvez y penser que maintenant. Pourtant, les gens vivent avec l’idée que le moment présent doit être surmonté afin de parvenir à un moment meilleur, situé dans le futur, qui cependant n’arrive jamais parce que vous ne pouvez exister ailleurs que dans le moment présent. C’est une manière de vivre totalement folle, et qui rend l’existence particulièrement difficile.

Tout ceci est le résultat d’un conditionnement vieux de plusieurs millénaires. L’esprit humain, dont l’habileté à penser et à conceptualiser fait de lui une chose merveilleuse, a fait entrer notre espèce dans une nouvelle dimension, lui octroyant la domination sur toutes les autres espèces. Le développement progressif du mental trouve une forme mythologique dans l’histoire de la pomme croquée par Adam, fruit qui provenait de l’Arbre de la Connaissance, celle du bien et du mal à laquelle seul un esprit capable de penser peut accéder, du fait qu’il est capable d’analyser, de différencier et de séparer. Au début la pensée ne représentait pas un problème, puisqu’au contraire elle ouvrait à l’Homme de nouvelles possibilités. Mais au fil des millénaires l’esprit pensant revêtit une importance de plus en plus grande, sa puissance s’accrut, séparant graduellement la conscience de ce qu’il y a de plus profond et d’essentiel en l’être humain, que l’on peut résumer par le mot "être", la conscience d’être vivant, mais aussi par le mot "intelligence", qui est bien plus que la simple capacité à penser de manière plus ou moins raisonnée. L’importance que prit le mental priva l’Homme de sa connexion avec la Vie. Nous sommes aujourd’hui arrivés au point où le sens de notre identité est entièrement contenu dans le mental. Les étapes que nous avons franchies lors de cette évolution étaient nécessaires, mais nous voici maintenant devenus les prisonniers du mental, ce que nous ne réalisons même pas. Nous ne pouvons cesser de penser. En réalité nous le pouvons, mais pour la plupart des gens ce n’est pas encore possible, ils doivent penser, et déduire le sens de leur identité du mouvement de leur pensée. Nous arrivons à l’étape ultime de cette évolution, et pour que l’humanité puisse poursuivre son voyage elle doit maintenant transcender le mental, cesser d’être son jouet, laisser derrière elle cet état d’être compulsif pour accéder à ce qu’il y a de plus profond en elle, afin de recouvrer ce qu’elle a jadis perdu. Et lorsque vous recouvrez quelque chose, c’est toujours avec plus de conscience. C’est dans ce processus que nous sommes actuellement impliqués, car l’évolution de la conscience n’est plus un luxe, ce n’est plus une option ; pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la transformation de la conscience est une nécessité, c’est la condition de notre survie en tant qu’espèce. Nous avons créé le chaos sur cette planète, nous avons transformé ce qui était censé être un paradis en véritable enfer.

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