Les zététiciens s'attachent principalement à dénoncer l'approche "irrationnelle" qui est faite des phénomènes paranormaux, dont la nature semblerait d'après eux ouvrir la porte aux croyances plutôt qu'à la science (ou à l'idée qu'ils s'en font). On trouve pourtant, un peu partout dans le monde, des institutions spécialisées dans ce type de recherche, comme en France l'Institut Métapsychique, fondé en 1919. J'aime d'ailleurs beaucoup la phrase qu'ils ont placée en exergue : "Le paranormal, nous n'y croyons pas, nous l'étudions". A ce propos, si le mot zététique vient d'un mot grec signifiant "qui recherche", laquelle des deux approches de ces phénomènes mérite d'être qualifiée de zététicienne, celle qui les étudie ou celle qui se contente d'attendre que la preuve en soit faite ?La Tronche en Biais a écrit :Zététique est un mot forgé au 20ème siècle à partir du mot grec zetetikòs signifiant "qui recherche".
Que fait-on lorsqu'on est un scientifique et qu'on doute d'une hypothèse ? Si elle entre dans le cadre de la science on procède à des expériences qui permettront de la confirmer ou de l'infirmer. Si le jugement posé a priori est qu'elle n'est pas de nature scientifique, alors on ne s'y intéresse tout simplement pas. C'est ce que font les zététiciens et qui induit une sérieuse contradiction dans leur démarche : comment peut-on réfuter à l'aide d'un argumentaire scientifique, ou supposé tel, ce qu'on déclare par ailleurs ne pas relever de la science ? N'est-ce pas faire appel à des arguments d'autorité, ceux de la science, ceux-là même qu'on avait soit-disant refusés ?La zététique est la science du doute, elle consiste à refuser les arguments d'autorité et à écarter les hypothèses qui font appel à plus d'inconnues qu'elles n'en résolvent.
Notre cerveau milieu de gamme n'est-il pas l'outil qui a servi, depuis l'aube de l'humanité, à faire progresser la connaissance ? N'est-ce pas le même cerveau qui permet aux zététiciens d'exercer leur sens critique ? La dévalorisation d'autrui fait partie de leurs habitudes comportementales. Elle vise à exploiter ses faiblesses potentielles pour l'amener à se ranger à leur avis.Il s'agit de s'armer contre les mauvais jugements qui résultent des imperfections de notre entendement. Eh oui, il faudra vous y faire, votre cerveau est malheureusement un outil milieu de gamme en ce qui concerne le sens critique !
Toujours la même rhétorique. On présuppose qu'il n'existe aucune raison pour que la méthode scientifique ne parvienne pas à expliquer le "surnaturel", sans d'ailleurs qu'une telle prétention ait jamais effleuré l'esprit de quiconque avant la naissance de la zététique. Et si elle échoue c'est évidemment parce que tout cela n'est qu'un ramassis de croyances stupides. L'idée est de faire croire qu'au-delà de sa faculté de penser il n'existe rien en l'homme qui serait à l'origine des capacités hors du commun dont certains individus disposent, par exemple une dimension spirituelle dont il ne serait pas conscient. Lorsqu'on parvient à une telle vision des choses, l'humanité ne peut que se diviser en deux catégories : l'une "naturelle", qui englobe les capacités communes à tous les individus, et l'autre "surnaturelle", qui couvre les capacités les moins partagées comme la télépathie, la psychokinésie, la médiumnité, etc. Finalement, la tragédie des zététiciens est de n'être dotés d'aucun "pouvoir" qui sorte de l'ordinaire ; alors ils s'épuisent à expliquer que leurs lacunes n'en sont pas, tout en ne sachant pas au juste de quoi ils parlent.La zététique est l'application du doute à tous les phénomènes que nous croyions comprendre, mais aussi à tous les phénomènes "surnaturels", qui soit dit en passant n'ont jusqu'à présent jamais résisté bien longtemps à l'analyse.
Il est vrai que les émissions de télé boostent le QI, surtout les téléréalités. Sorti de là, qui s'intéresse de nos jours à toutes ces créatures mythologiques ? Personne. Les films qui les mettent en scène, comme un yéti face à l'abominable télépathe, ne font plus recette. Grâce à la télévision et à la zététique nous avons enfin abandonné notre fâcheuse propension à la rêverie pour nous immerger dans le nirvana de la raison pure.Les êtres humains ont toujours cru en des tas d'histoires bizarres qu'ils se racontaient le soir avant de s'endormir, à l'époque où il n'y avait pas encore d'émissions intelligentes à la télévision. Au fil des siècles ils ont beaucoup appris sur les phénomènes naturels, mais ils ont gardé une fascination pour l'incompréhensible, le curieux, l'étonnant, le magique. Mais on ne peut pas leur en vouloir, imaginez le monde peuplé de licornes, de leprechauns, télépathes, yétis, fantômes, sorcières, démons, extraterrestres, et autres réjouissances !
Le fait qu'une pomme tombe vers le sol n'est pas en soi une avancée de la science ; celle-ci a seulement observé la pomme chuter puis mesuré et formalisé l'effet que la gravité a sur elle, mais elle n'en a jamais expliqué la cause. Alors pourquoi ce qui est à l'origine de cette force n'est-il pas qualifié de surnaturel, puisque la science ne peut pas l'expliquer et que ses effets sur la matière s'apparentent à ceux qu'on observe dans les phénomènes de psychokinésie ? La science déduit des lois des phénomènes physiques qu'elle observe et mesure, mais elle n'explique pas leurs causes, sauf lorsqu'une relation de cause à effet s'établit entre eux (mais l'origine de cet enchaînement d'effets sera toujours inexplicable). Ce qui est vrai est que la pomme est attirée vers le sol par une force inconnue, et la nommer gravitation n'y change rien.Comment savoir si ce que je sais est une connaissance ou une croyance ? Par exemple, la loi de l'attraction universelle n'est pas vraie seulement pour ceux qui acceptent de voir leur pomme tomber vers le bas ! Ceux qui se jettent par la fenêtre peuvent prétendre vouloir voler, mais on est en droit de dire qu'on sait ce qui va leur arriver ! C'est ce qui est bien avec la science : ce qui est vrai reste vrai, même quand on n'y croit pas.
Rebelote, seuls les zététiciens naviguent en haute mer. Les autres font du cabotage, ils n'osent pas s'éloigner de leurs petites certitudes côtières. Que signifie le concept de recherche de l'erreur en dehors d'un cadre défini ? Il n'existe pas d'erreur absolue, qui serait détachée de toute référence à un domaine particulier. Ce dont il est ici question est la recherche de l'erreur dans le contexte des certitudes scientifiques, celles dont se réclament les zététiciens. Mais peut-on dire de quelqu'un qui n'adhère pas au christianisme qu'il est dans l'erreur s'il confond Marie et Marie-Madeleine ? Non ! On dira seulement qu'il parle de ce qu'il ne connait pas. De la même manière, ceux qui n'adhèrent pas à l'idée que la science permet de tout expliquer ne peuvent être dans l'erreur lorsqu'ils affirment croire au paranormal. Ils sont dans l'erreur relativement aux thèses zététiciennes, mais ce n'est pas une erreur en soi, absolue, comme l'orateur tente de le faire croire.Pour éviter cet écueil de la pensée de la part d'esprits qui pensaient pourtant naviguer en haute mer, on a mis au point la méthode scientifique, qui a pour principale caractéristique la recherche systématique de l'erreur. Dès qu'on croit savoir quelque chose on cherche d'abord à vérifier si on n'a pas tort.
L'illusionnisme ne peut pas reproduire la médiumnité, il ne peut que la singer. On ne s'improvise pas médium, les compétences requises ne s'apprennent pas, elles sont innées. C'est ce que les zététiciens oublient lorsqu'ils déclarent que si l'illusionniste parvient au même résultat que le médium, alors celui-ci sera convaincu de tromperie. Ce résultat ne peut-être obtenu que si le médium est un charlatan ; s'il ne l'est pas et qu'il met l'illusionniste au défi de reproduire, par exemple une manifestation d'esprit dans des conditions identiques à celles dans lesquelles il l'a lui-même produite, c'est-à-dire assis sur une simple chaise au milieu d'une pièce vide, alors l'illusionniste aura tôt fait de montrer les limites de sa capacité à singer.Houdini était un menteur. Les gens payaient pour le voir sur scène où il prétendait faire des choses alors qu'il en faisait d'autres. Être un menteur n'est acceptable qu'à condition d'être un menteur honnête, et Houdini, qui s'y entendait en faux-semblants, en illusions, en chausse-trappes et en trompe- l’œil, s'attela à la tâche herculéenne de percer à jour les médiums charlatans, qui pullulaient à son époque qui vit l'essor du spiritisme.
Pour démontrer l'absence de "ressenti" des sourciers, celui qui leur permet de trouver de l'eau dans le sous-sol, des sceptiques en ont réuni un certain nombre dans un labo sous le plancher duquel passait une conduite d'eau, ou bien étaient entreposés des bidons remplis d'eau. Réfléchissons aux conditions idéales d'une telle expérience : se rendre sur un terrain d'un ou deux hectares sous lequel on sait que passe une rivière souterraine, et demander aux sourciers de la localiser puis de déterminer son trajet. C'est exactement ce qu'on demande à un sourcier professionnel, parce que personne ne prendrait le risque de creuser au hasard, surtout à plusieurs milliers d'euros par forage. Quelle est la différence entre les conditions imposées en labo et les conditions réelles ? Elle est de taille : les cours d'eau souterrains ainsi que les nappes phréatiques exploitent des failles géologiques, lesquelles perturbent le champ magnétique local, perturbation que les sourciers déclarent ressentir sans pouvoir l'expliquer. Une conduite d'eau sous un plancher, ou des bidons d'eau, ne produit pas cette perturbation, puisqu'elle est d'origine géologique. Le résultat de l'expérience était tout à fait prévisible : les sourciers ne font pas mieux que le hasard, ce qui signifie qu'on a autant de chances de trouver de l'eau en forant n'importe où qu'en faisant appel à un sourcier. Le ressenti du sujet est un paramètre dont la science ne tient pas compte ; les expérimentateurs, sans doute des zététiciens, sont donc partis du principe qu'il n'y avait pas plus de ressenti chez les sourciers que de beurre en broche, donc aucune nécessité de les placer dans des conditions réelles. Tout ce qu'on leur demandait était de détecter de l'eau, point barre. Est-ce qu'un illusionniste serait capable de fausser avec autant de facilité les résultats d'une expérience ? Quand on prêche l'inexistence du paranormal on est mal placé pour organiser de telles "expériences", parce qu'on ne tient pas à ce que leurs résultats nous décrédibilisent. C'est un conflit d'intérêts majeur.James Randy a repris l'idée de Houdini de créer un prix de un million de dollars pour toute personne capable de présenter la preuve d'une aptitude surnaturelle. En 50 ans, et après un millier de tentatives, personne n'a jamais réussi à proposer un protocole de vérification puis à le passer avec succès.
Dans le sud de la France se trouve un village médiéval nommé Cordes-sur-Ciel, nom qui lui vient probablement de sa situation au sommet d'une haute colline. Au point le plus haut, sur la place du village, se trouve un puits d'une centaine de mètres de profondeur. Les gens de l'époque auraient-ils consacré des mois, voire des années, à creuser un trou aussi profond sans la certitude qu'ils trouveraient de l'eau au fond ?
Si preuve il y a c'est celle d'une terrible inculture. Pendant un "voyage astral" la personne est par définition hors de son corps, et donc ne raconte pas ce qu'elle expérimente en temps réel ; elle ne peut le faire qu'à son retour dans son corps. Mais qui voudrait la croire sinon les gens déjà persuadés qu'un tel voyage est possible ? Il existe pourtant un moyen très simple de démontrer la réalité de l'expérience hors du corps : surveiller le sujet durant son voyage, c'est-à-dire lorsqu'il est allongé sur un lit, après lui avoir demandé d'aller lire un code écrit sur une feuille de papier placée en un lieu qui ne lui est révélé qu'au dernier moment. Si à son "réveil" il détient le code, la preuve est alors faite qu'il a bien été le lire. Pourquoi les zététiciens ne réalisent-ils pas cette expérience ? Parce que pour eux ce serait se tirer une balle dans le pied, ce serait la fin peu glorieuse de la zététique. C'est ce qui motive chacune de leurs pseudo-expériences visant à démontrer l'inexistence du paranormal.Si la télépathie, la télékinésie, les voyages astraux, etc., sont apparemment des conneries, ça ne veut pas dire qu'ils n'existent pas. La charge de la preuve incombe à celui qui avance l'existence d'un phénomène inconnu.
Les zététiciens se trompent lourdement lorsqu'ils prétendent que le scepticisme représente la voie royale vers la Connaissance. Celle-ci ne peut être le fruit que d'une certitude absolue, une expérience directe, ce qui constitue l'exact opposé du doute. Pour citer Aurobindo, "ce n’est pas en réfléchissant à la réalité mais par un changement de conscience qu’on peut passer de l’ignorance à la Connaissance, celle par laquelle nous devenons ce que nous connaissons". Au stade actuel du développement de notre conscience notre savoir n'est pas ce que nous sommes, il est issu de l'expérimentation, de l'analyse et de la réflexion, qui sont les outils de notre intellect. Il sera donc sujet à l'incertitude aussi longtemps que cette situation perdurera, et je le répète, sans certitude absolue il n'y a pas de Connaissance (voir ce sujet).
Pour ce qui concerne les croyances, la science en est remplie, à ceci près qu'elle les appelle des théories, ou des hypothèses. Si certaines croyances sont bien sûr douteuses, comme celle de l'existence des fées, il en est d'autres qui s'apparentent à des hypothèses, l'ufologie par exemple. Les ufologues sont des gens qui ont souvent passé plusieurs années à collecter des informations, puis, constatant qu'elles étaient corrélées, ont dû se rendre à l'évidence que ce phénomène avait toutes les chances d'exister. Ceux qui tournent l'ufologie en ridicule n'ont même pas tenté cette approche, ce qu'ils prétendent est basé sur des croyances non étayées, elles-mêmes résultant de leur ignorance.
L'attitude des zététiciens s'accorde parfaitement à celle de l’Église catholique durant une dizaine de siècles, qualifiés plus tard d'obscurantistes parce que le savoir était verrouillé sur l'héritage d'Aristote, de Saint-Augustin et de Ptolémée, dont il avait interdiction de s'écarter. Obscurantisme signifie "attitude d’opposition, d’hostilité au progrès et à la diffusion du savoir". Le progrès passera nécessairement par la prise en compte de la dimension spirituelle de l'homme, car la science ne pourra jamais évoluer si elle persiste dans son matérialisme outrancier. D'ailleurs, depuis la double révolution relativiste/quantique d'il y a un siècle, aucune découverte majeure n'est venue tirer la physique théorique de son sommeil satisfait. En tentant de faire opposition à ce progrès, la zététique manifeste une forme d'obscurantisme, n'offrant à la pensée scientifique occidentale qu'un retour vers les siècles les plus sombres de son histoire. Lorsque l’Église dirigeait les consciences, religieuses et laïques, tout écart au crédo en matière de croyance religieuse et scientifique était sévèrement réprimé. Aujourd'hui la répression existe toujours, mais elle prend d'autres formes : on ne conduit plus les réfractaires en prison ou au bûcher, on se contente de les couvrir de ridicule et de ruiner leur carrière. C'est à cette tragédie humaine que le scepticisme, la négation par principe et le refus d'ouvrir son esprit sur d'autres possibles, a toujours conduit, siècle après siècle.